Chine : moments d’histoire à travers les portraits d’un chinois

Ye Jinglu, portraits 1907-1964

C’est la vie de Ye Jinglu qui s’étale au fil d’un album de photos souvenir. Démarche relativement rare pour être relevée, cette homme a eu l’idée de se faire photographier tout au long de son existence d’adulte, de 1907 à 1968. Le résultat : une collection de portraits qui révèle non seulement les changements physiques soumis à la dictature du temps, mais aussi l’évolution de la Chine soumise à la dictature de 60 ans d’histoire mouvementés.

Ye Jinglu a 26 ans lorsqu’on le voit dans son premier portrait, en 1907. Le jeune homme apparaît devant un faux décor, en vêtement et coiffure traditionnels chinois, aux côtés d’un guéridon et d’une pendule de style occidental. La dynastie Qing vit ses dernières années, avant de laisser la place en 1912 à la République de Chine.

Cette même année, l’apparence du jeune homme est d’ailleurs plus neutre, tandis que 3 ans plus tôt, en 1909, il se fait photographier à la mode occidentale, en costume et chapeau d’homme d’affaires. Ye Jinglu travaille dans le commerce et ira même à Londres pendant un moment.

Ye Jinglu, 1904-1909

1904 et 1909

Du point de vue historique, c’est surtout cette photo de 1949 qui marque la rupture, aux premières heures de l’ére Mao. Ye Jinglu apparaît dans une tunique plus austère, moins personnelle. En 1950 et 1964, l’octogénaire reprend même les codes de la « mode » chinoise de l’époque avec l’incontournable casquette Mao.

Ye Jinglu, 1932-1949

1932 et 1949

Ye Jinglu, 1964-1968

1964-1968

Cet album de petits portraits est aujourd’hui entre les mains d’un collectionneur de photographies, Tong Bingxue. Comme le raconte le site Hyperallergic, il l’achète en 2007 à un particulier. Des recherches lui permettent d’identifier ce Chinois qui a eu l’idée originale de se faire photographier chaque année, en studio, pendant 60 ans. Tong Bingxue a même rassemblé le fruit de ses recherches dans un livre : A Life in Portraits.

Sans se douter de la portée de ce rituel imposé à lui-même, Ye Jinglu a laissé plus qu’un simple album témoin de son existence. C’est d’abord un précieux recueil d’indices sur l’évolution d’un pays et son influence, directe et indirecte, sur le cercle privé d’une personne. Et c’est aussi l’expression d’un comportement individuel intemporel : le besoin, l’envie et la satisfaction de se voir en photo. Bien avant la généralisation du selfie et d’Instagram.

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